Le Chat Potté. Voilà bien un nom que nous n’avions pas entendu depuis de nombreuses années. Pardon ? Que…? J’exagère ? A part lors de vos multiples revisionnages, ou découvertes pour les novices, quand est-ce que le célèbre félin de Dreamworks a-t-il fait frémir ses moustaches la dernière fois ? N’était-ce pas justement lors de la sortie de son film spin-off qui date de…2011 ? De rien pour le coup de vieux.

Aussi incroyable que cela puisse paraître, mais oui, la licence Shrek et du Chat Potté ont bien été mis au repos pendant plus de dix ans. Après moultes égards et difficultés, Dreamworks semble donc jouer la carte de la facilité pour réanimer un studio qui n’a plus de licence forte à proposer et à garder en vie. Mais croyez bien qu’ils auraient très bien pu tomber dans le piège il y a de cela longtemps en proposant, en urgence, un cinquième Shrek ou une suite faite à la va-vite pour le Chat Potté.

Qu’importe, le résultat étant qu’en fin 2022, après s’être fait décaler d’Octobre à Décembre, la suite débarque enfin, et le moins que l’on puisse dire, c’est que le chat n’a pas pris une ride. Il s’est même bonifié. Donc, aiguisez votre esprit, léchez votre chocolat chaud (ou tout autre substance liquide évoquant la chaleur et la sérénité), et ronronnez de plaisir : Aujourd’hui, on critique “Le Chat Potté 2 : La Dernière Quête” de Januel P. Mercado et Joel Crawford !

Affiche - Le Chat Potté 2

LES ERREURS DU PASSE

Plusieurs années après “Shrek 4”, Le Chat Potté est toujours aussi vivace. Incorrigible brigand, arrogant, charismatique, le félin bondit partout et combat la justice et l’injustice grâce à son agilité hors-pair. Après une mission de sauvetage réussie, le Chat Potté meurt dans un bête accident. A son réveil, assuré que tout va bien, il se rend compte que huit de ses neuf vies se sont déjà écoulés. Pourchassé par un terrible Loup qui veut sa mort, le Chat Potté prend sa retraite éloigné de tous, jusqu’au jour où la légende de l’étoile accordant n’importe quel voeu parvient à ses oreilles. Il se lance alors dans une grande quête pour parvenir à ses fins.

Avec pareil synopsis, l’histoire peut donc apparaître convenue. Une ancienne gloire se retirant et déprimant, avant de trouver un nouveau but dans sa vie, qui lui permettra d’affirmer qui il est vraiment, et à la fin il comprend que ce n’était pas vraiment ce qu’il recherchait etc etc…Bref, les Indestructibles de Brad Bird par exemple.

Les Erreurs du Passé

(Allégorie : Quand ton médecin te recommande d'y aller molo sur l'alcool, mais que tu penses gérer comme un chef.)

Cependant, à une époque où il est devenu quasi-impossible de créer un récit entièrement original, le film est pardonné et a le mérite au moins d’aller chercher ses qualités ailleurs. Parce que derrière son panneau d’ouverture ancrant son scénario comme “une histoire de conte de fées” (littéralement), comme si les scénaristes avaient pleinement conscience de certaines failles dans leur traitement et qu’ils assumaient donc, le film cherche à véhiculer ses messages et thématiques fluidement. Ce qui est plutôt malin et plutôt ludique (plus que Shrek 4 dont le message était juste d’assumer ses responsabilités).

Quand bien même c’est convenu, le scénario offre un large éventail de personnages pour approfondir l’ensemble. Entre Potté qui doit accepter de mourir un jour, son arrogance et son ego qui ont tant pesé dans son passé, Kitty Pattes de Velours qui doit faire confiance à autrui, Boucle d’Or et sa quête d’identification, et autres personnages dont je ne divulgâcherais rien, tout ce monde apporte ainsi un solide édifice qui aide grandement à la structure narrative. Pour être plus précis, enlever un personnage du film et l’histoire en sera déséquilibrée. Il y aurait forcément pas assez d’enjeux, ou trop de focalisation et de stéréotypes sur une même thématique ou sur un personnage qui prendrait trop l’écran (Suicide Squad et Will Smith par exemple). Tous les personnages présentés apportent quelque chose, que ce soit dans son approche, ses phrases, son rapport aux autres, et cela permet d’avoir du rythme dans les séquences, sans jamais trop appuyer sur les mêmes runnings gags. Et plus que tout, cela rend cohérent le message principal du film : L’appartenance.

DREAMWORKS EN FORCE

Et en parlant d’appartenance, (oui merci, moi aussi j’aime mes transitions), il est assez amusant de noter à quel point ce deuxième volet renoue avec l’esprit Dreamworks des débuts. Du moins, de deux films en particulier.

Là où le premier Chat Potté en 2011 était plutôt avare en référence à l’univers de Shrek et aux contes de fées de manière générale, certainement dû à une volonté de l’équipe de ne pas parasiter son film d’un fan-service omniprésent qui impacterait l’histoire, le second film est plus ouvert sur la question. Mais sans jamais tomber dans un quelconque travers. Ici les références existent, et ça sonne plus comme un jeu ludique, et si on les a pas, ce n’est pas un problème parce que le film continue bien sans. 

Le chat potte 2 la derniere quete photo 1459358

(Allégorie numéro 2 : Disney à la sortie du film.)

Sauf que ! Souvenez-vous des deux premiers Shrek ? Ils ont été fait à une époque où Disney approchait de la fin de son second âge d’or et que Dreamworks se moquait ouvertement de la compagnie aux grandes oreilles (rappelez-vous les sept nains qui finissent prisonniers, où bien de Gepetto qui vend Pinocchio contre quelque pièces ?). Dans le deuxième Shrek, la moquerie était plus taquine. Par exemple, quand Fiona balance une sirène rousse dans la mer, la demoiselle se fait manger par des requins en arrière plan. Douce ironie. Si j’insiste sur ce point depuis quelques lignes, c’est que cette taquinerie est encore présente mais en encore plus adoucie, et c’est une écriture qui fait extrêmement plaisir à voir.

Si je vous dis Aladdin, vous pensez à quoi ? (Le premier qui sort Kev Adams sera maudit sur dix générations) Au Génie, à la lampe ? Mais il y a aussi le tapis volant ! Et si je vous dit Petite Sirène ? Triton et son trident ? Bah, vous mélangez les deux, et dans une même scène, le Chat et Kitty utilisent un tapis volant qui se fait empaler par le Trident. Douce ironie je vous dis ! Et il y a même la toque de Fantasia.

Et dans toute cette folie fraîchement renouvelée, l’univers des contes est encore là aussi pleinement exploité. Un personnage du film est connu pour ce qu’il a fait dans son enfance sous forme de comptine, et l’histoire que lit Boucle d’Or est un conte qui se termine par le fameux “Ils vécurent heureux”. Cela n’a peut-être l’air de rien, mais ces références et ses petites piques lancés à la compagnie concurrente (qui est inexistante au cinéma en cette fin d’année…Ironie ? Toujours !), relancent un état d’esprit qui ont fait le succès et le bonheur de Dreamworks au début des années 2000. Et ce pourquoi Shrek 2 était la suite parfaite en tout point. Parce que, comme dans le premier, il s’amusait de son univers de conte pour lui insuffler de la magie et un commentaire satirique.

Dans les faits, “Le Chat Potté 2” utilise cette même méthode mais sans la critique derrière. Est-ce un défaut ? Pas vraiment. Il n’y avait pas vraiment d’utilité à cela. Ce n’est pas comme Shrek qui doit dépasser les préjugés racistes pour prouver sa valeur et se faire accepter comme il est, ce qui va à l’encontre des contes où “aucun ogre n’a jamais vécu heureux pour toujours”. Ici, l’univers des contes est là comme une immense boîte à jouets, autant pour les scénaristes, les animateurs, et même les personnages (surtout un avec sa valise…). Et il n’y a pas à dire, que ça fait du bien, en ces temps où le cynisme de Disney est plus cruel que vraiment drôle (exception faite de Raya et le Dernier Dragon, et d’Encanto, mais pas de la Reine des Neiges 2 ou de Buzz l’éclair par exemple), de voir un film assumer son univers et ses personnages sans faire de blagues méta pour désamorcer une situation ou pour vainement se moquer de lui-même. Même lorsqu’au début, le Chat prend sa retraite et finit par enterrer ses habits, et qu’il prononce un discours qui traîne en longueur et qu’il ferme le trou comme s’il sortait de sa litière, ne sonne jamais comme un aveu de dérision mal placé. Mais plutôt une façon comique et tragique qu’à le personnage de faire le deuil de ce qu’il a été.

LA FONTAINE DE JOUVENCE

En plus de retrouver cette saveur dans l’écriture, l’animation s’est offert un sacré lifting. Fini le tout image de synthèse un peu impersonnelle du premier opus, et bienvenue à “Into the Spiderverse : Médévial Conte Universe” !

Clairement, cela se voit que l’équipe de ce second volet a été bluffé par le travail titanesque de Sony Animation (et surtout de leur Oscar) sur le film de l’homme-araignée latino en 2018. Au point où l’on retrouve certaines gimmicks visuels, comme un immense coup en pleine poire et une micro-image d’une couleur apparaît pour symboliser l’impact, ou bien l’animation des personnages qui saccade à quelques moments, ou les multiples palettes de couleurs mélangé à des textures crayonnés pour embellir les décors ou les textures de peaux des personnages.

La Fontaine de Jouvence

(Quand même ton décor utilise un autre style d'animation, avec de la pastel, ça apporte une grosse plus value visuelle !)

Ceci étant dit, il serait injuste de qualifier la démarche de plagiat. A ce compte là, dès que quelqu’un fait un dessin animé, il plagie le tout premier homme de l’histoire à l’avoir fait. Ce qui serait ridicule. Mais la volonté de Dreamworks de changer de look à ses personnages n’est pas totalement anodin. Ils ont l’air d’avoir compris que le tout numérique pouvait lasser le public, et il est vrai que malgré les moyens mis en oeuvre par Disney pour faire de beaux décors, aucun dessin animé n’a su proposer un style graphique aussi impactant et qui rentre en adéquation avec ce qu’il raconte. 

Là où dans Spiderverse, ce style permettait d’en exploiter une multitude incroyable pour te plonger dans un monde cartoonesque, le Chat Potté 2 s’en sert pour mieux mettre en avant les actions des personnages, leurs déplacements dans le décor, mais aussi pour caractériser les personnages.

Servi par une réalisation créative (je ne compte plus les plans qui suit impeccablement les personnages ou les effets de caméra, de distorsion de la distance, sont légions), le Chat Potté 2 sait utiliser la mise en scène à chaque moment. Et le meilleur exemple qui combine toutes les qualités évoquées, ce sont tous les passages où le Loup est présent. La première fois, il apparaît de dos, juste à côté de Potté qui ne l’a pas entendu, et il se montre de plus en plus menaçant. Et quand il est enfin installé comme antagoniste, son ombre plane, apparaissant en vision d’horreur pour Potté. Et l’une de ses apparitions est qu’il sort de l’ombre et que ses yeux deviennent rouges dans un style à la fois cartoonesque et réaliste. A l’écrire comme ça, on ne se rend pas forcément compte, mais c’est un tout où il faut le voir pour le comprendre. Mais cela fait de lui, un véritable méchant iconique qui pourrait bien coller des frissons à quelques enfants un peu peureux.

Et encore une fois, cela faisait longtemps qu’un méchant de dessin animé n’était plus aussi crédible et menaçant comme ça. Bien que la révélation sur sa véritable nature tombe un peu à plat (et peut poser quelques problèmes de cohérence dans l’univers de Shrek si on y réfléchit bien), cela n’enlève rien à sa force évocatrice, et à tout ce que la mise en scène véhicule à chaque apparition (son sifflement, les poils du Chat Potté qui se dressent de peur…). Un très bon exemple d’écriture et de mise en scène. 

Donc, en conclusion, que retenir de cette Dernière Quête ? Eh bien, que ce n’est pas forcément le cas déjà, mais indubitablement un très bon dessin animé. Le film évite judicieusement les écueils sur les blagues et runnings gags (les yeux ronds kawaii servent même de payoff assez bien vu), et même le comic relief (au doux nom de Perro) à une profondeur et un passif plutôt inattendu, et les personnages secondaires ne sont pas uniquement que là que pour être des obstacles pour les héros (contrairement à Jack et Jill dans le premier opus), et même le personnage gardé secret des bandes-annonces participe au message clé du film (et qui peut être vu comme une dénonciation de la bourgeoisie capitaliste broyant l'être humain qu'il considère comme recyclable). Le tout dans une histoire qui s’autorise même à offrir la meilleure morale possible aux enfants et aux adultes.

Avec une animation remis à neuf, dans un récit de dépouillage du passé qui doit retrouver sa gloire d’antan et qu’il doit aller de l’avant (la dernière image du film est un bon exemple de cette envie de nostalgie et d’avancement), “Le Chat Potté 2” offre un sacré bon spectacle visionnable encore un bon nombre de fois, pour chercher toutes les références, ou bien pour se laisser séduire par l’univers visuel et le dynamisme de la réalisation, ou ses personnages hauts en couleur et touchants…Ou bien, un peu pour tout ça. 

Mais décidément, ce chat va encore faire parler de lui pendant longtemps.

 

  • Aucune note. Soyez le premier à attribuer une note !

Ajouter un commentaire

Anti-spam